27.01.2022
Montage de Luc Schnell, Photo: Joe Vasquez et la NASA sur Unsplash.
C’est en juin 2021 que je découvre le disque pour la première fois. Après le déconfinement, j’ai profité d’une de mes soirées libres pour visiter le Musée national d'histoire naturelle. J’'y ai notamment découvert une version empaillée de l'arche de Noé - dans la Genèse ne sont-ils d’ailleurs pas vivants ? Finalement, je tombe sur l’objet au troisième étage. Tout droit sorti des années 1970.
La plaque de Pioneer est là devant moi. C’est une carte postale métallique d’environ une taille A5. Il y a 50 ans, elle a été embarquée à bord des sondes spatiales Pioneer 10 et 11. Un réel message envoyé destiné aux extraterrestres.
Je tente de décrypter la plaquette. À droite, un homme et une femme se tiennent devant une représentation schématique de la sonde Pioneer. Tous deux sont nus, l'homme salue le lectorat avec sa main droite. La femme est passive. Plus bas, on y trouve une gravure du système solaire et des planètes. Une flèche indique d'où la sonde spatiale a été lancée.
Puis, le bug. Je suis terrien, mais je suis sûrement un spécimen trop primitif pour déchiffrer le reste de l’image. Je vois deux diagrammes qui me font penser à des horloges et de nombreuses lignes qui s'écartent d'un point en formant des rayons.
La plaque de Pioneer. Credits: NASA.
Retour à la maison. En parcourant la toile, j’apprends que les horloges sont en réalité des atomes d'hydrogène avec des spin différents et qu'elles définissent, via la transition de structure hyperfine, à la fois une unité de longueur (longueur d'onde, 21 cm) et une unité de temps (fréquence, 7,04 ns). Ces unités sont utilisées en représentation binaire sur toute la plaque. Les lignes rayonnantes décrivent la position du Soleil par rapport au centre de la galaxie. Grâce à elles, il est possible de calculer la position du Soleil et le moment de l'envoi de la sonde spatiale (car les fréquences des pulsars diminuent avec le temps).
Je m'enfonce de plus en plus dans les tréfonds de Wikipedia, toute cette histoire me paraît bien curieuse. L'idée d'envoyer un message avec les sondes Pioneer a surgi juste avant le lancement. La plaque a dû être réalisée dans un délai de trois semaines. C’est peut-être pour ça que de nombreux chercheurs ont trouvé le produit final incompréhensible. Pour certain-e-s, la main de l'homme pourrait être interprétée comme un message de menace. Et pourquoi l'homme est-il actif et la femme passive ? Leurs cheveux clairs, leurs traits caucasiens et leur nudité ont également suscité débat. Les organes sexuels ont été représentés de façon soft style Grèce antique, mais beaucoup ont considéré ce dessin comme étaient trop explicites. Les journaux de l'époque ont d’ailleurs reproduit ce dessin mais en censurant les parties intimes. D’autres voix se sont levées et ont affirmé que la représentation des organes sexuels était sexiste - les parties féminines étant bien moins détaillées.
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À mon sens, la plaque en dit beaucoup sur la civilisation humaine des années 1970. J’ai été ravi d’apprendre qu’il existait une deuxième édition de cette plaque, dont l'origine est également cocasse. La sonde spatiale "Voyager 2" a été lancée quatre ans après la mission Pioneer et a également été accompagnée d'un message. Cette fois-ci sous la forme de disques d'or. En plus des représentations, des images et des sons ont été rajoutés pour les extraterrestres.
La problématique des parties sexuelles a été cette fois-ci habilement contournée. Les corps humains n'ont été représentés que sous forme de silhouettes. Moins informatifs pour les aliens, mais la pudeur de l’humanité a été préservée. Autre progrès : les sexes sont équitablement représentés et des personnes de différentes ethnies figuraient sur l’image.
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Cependant, de nouveaux problèmes se sont posés, car il était désormais possible d'envoyer des pistes audio. Le scientifique Carl Sagan voulait inclure le tube rock "Jonny B. Goode" de Chuck Berry. Le musicien folk Alan Lomax s'y était opposé. Selon lui, la musique rock est trop adolescente. "Il y a beaucoup d'adolescents sur notre planète", lui aurait rétorqué Carl Sagan.
Autres candidats: les Beatles avec leur chanson "Here Comes the Sun". Les membres du groupe étaient ouverts, mais ils ne disposaient pas des droits d’auteurs et donc dû se tourner vers leur maison de disques. Celle-ci demandait 50'000 USD par disque, alors que le budget de la NASA pour le projet s'élevait au total à 18'000 USD. La chanson n'a donc finalement pas été retenue. Ce qui a eu le mérite de protéger les destinataires extraterrestres d’un procès pour piratage.
Le chant des baleines a posé moins de problèmes juridiques. C’est au biologiste Roger Payne que l’on doit les sons enregistrés sur la côte des Bermudes. L’hypothèse était la suivante : les aliens pourraient peut-être mieux percevoir le chant des baleines que la fréquence des voix humaines. Ainsi, sur le sique, de longus sons ont été rajoutés en arrière-plan des discours humains. D'un point de vue acoustique le résultat était bluffant, lit-on dans certaines interviews. Pas de panique donc, le message de Jimmy Carter n’a pas été ruiné par des baleines à bosse.
Si j’étais un alien, je me demande : comment aurais-je réagi en recevant ces messages de l’humanité des années 70 ? J’aurais rapidement compris que cette société terrestre ne tourne pas rond. Est-ce qu’une rencontre entre nos peuples serait-elle réellement souhaitable? Je pense que la meilleure réponse est celle qui a été présentée dans le cadre de l'émission comique américaine "Saturday Night Live". Dans un sketch, les extraterrestres répondent aux humains:
„Envoyez-nous plus de Chuck Berry".
Autor: Luc Schnell, Olympiades de physique. Luc est doctorant en physique théorique des particules à l'Institut Max Planck. Il tient son propre blog sur meonworld.com. S’il devait envoyer un message dans l’espace, il prendrait en compte les baleines adolescentes. Top 20 de la physique; Quanten-Elektrodynamik auf vier Schwierigkeitsstufen (en allemand)
