24.05.2023

Une chercheuse en cache souvent une autre

La pharmacienne Wiebke Saal travaille chez Roche et cherche la meilleure molécule. Elle doit aider à soigner les personnes atteintes de troubles intestinaux. Le problème: on ne connaît pas la cause de la maladie. Que faire? Wiebke fait comme autrefois pendant ses études quand elle a dû repasser un examen: elle s’investit dans son travail. Et surtout: elle mise sur le travail en équipe.

La pharmacienne Wiebke Saal (à droite) travaille avec un laborantin (à gauche), ici dans un laboratoire de préformulation, et un chimiste. Images : Claudia Christen

 

Tu as deux jeunes enfants. Comment leur expliques-tu ton travail?

Wiebke: Mes enfants s’intéressent plus à la tour de Roche qu’à mon travail (rires). Quand ils seront plus grands, je leur expliquerai que je développe des molécules qui peuvent aider les personnes malades. Mon travail consiste à vraiment bien comprendre la molécule. Comment se comporte-t-elle? Est-ce qu’elle se dissout bien, comme du sucre? Ou est-ce qu’elle est plutôt comparable à de la farine et s’agglutine sur le fond de l’éprouvette? Que dois-je faire pour qu’elle se dissolve bien dans l’organisme? Et pour qu’elle arrive à l’endroit où elle peut montrer ses effets?

Ton équipe essaie de résoudre un problème: les médicaments contre les maladies intestinales inflammatoires doivent être améliorés. En quoi consiste le défi qui doit être relevé?

Le problème principal est que nous ne connaissons pas exactement la cause de la maladie. C’est pourquoi il est très difficile de trouver un médicament qui s’attaque précisément à la cause. De l’autre côté, il s’agit d’une maladie qui réapparaît sans cesse. Parfois, elle est moins grave, parfois, elle l’est plus. On ne sait pas ce qui déclenche ces poussées. Il peut s’agir de facteurs extérieurs tels que le stress. Mais on ne peut pas dire avec précision quels sont les facteurs qui déclenchent une poussée, ni chez quelle personne, ni à quel moment. Cette combinaison entre le manque de connaissance des causes et les poussées rend notre travail difficile.

Et quel est exactement le point de départ de votre travail?

Pour nous, il s’agit de soulager les douleurs des patient(e)s lors d’une poussée et de faire en sorte que l’inflammation disparaisse le plus rapidement possible. Les douleurs persistent encore longtemps après la poussée, ce qui est très pénible pour les personnes concernées. Ce serait super s’il existait un médicament efficace qui inhibe en même temps l’inflammation. Au début de notre projet, il y a trois ans, nous avons réfléchi à un principe de travail. Ensuite, nous l’avons vérifié et essayé pour voir si cela fonctionne. Nous tentons alors d’optimiser les molécules chimiques qu fonctionnent bien: cela signifie que nous veillons à ce qu’elles soient absorbées et tolérées le mieux possible dans l’organisme et à ce qu’elles n’aient pas d’effets indésirables.

La recherche est un travail de groupe, il n’y a aucun doute. Je n’en étais pas non plus vraiment consciente lorsque j’ai commencé à travailler.

 

Ce processus se déroule-t-il sans accrocs?

Non. Les projets sont cycliques. Cela signifie que, lors des études précliniques ou cliniques, nous découvrons souvent que la molécule que nous avons optimisée en laboratoire fait finalement des choses qui ne sont pas idéales. Dans ce cas, nous faisons marche arrière et étudions d’autres molécules. Souvent, nous trouvons aussi des choses passionnantes pour d’autres médicaments, ce qui constitue alors le début d’un nouveau projet.

Pendant tes études, y a-t-il eu des moments pendant lesquels les choses ne se sont pas déroulées dans les meilleures conditions? Comment as-tu géré ces défis?

Pour moi, le début des études universitaires a été difficile. Le volume de connaissances à intégrer était beaucoup plus important et le rythme beaucoup plus rapide qu’à l’école. À l’époque, je me suis parfois demandé: comment vais-je m’en sortir? J’ai dû passer trois fois l’examen d'analyse instrumentale. L'analyse instrumentale, c’est d’ailleurs exactement ce que je fais le plus maintenant chez Roche (rires). Si je n’avais pas réussi le troisième examen, j’aurais été renvoyée de l’université. Je me suis alors encore plus accrochée et ai demandé de l’aide aux autres étudiants qui m’ont expliqué bien des choses. Le cursus était très petit, nous étions 30. Ce qui m’a beaucoup aidée pendant les études, c’était de savoir que les autres buttent sur les mêmes problèmes et que l’on peut s’entraider.

Pour moi, le début des études universitaires a été difficile. Je me suis alors encore plus accrochée et ai demandé de l’aide aux autres étudiants.

Tu travailles avec un laborantin et un chimiste. Comment décrirais-tu votre travail en équipe?

Je travaille en étroite collaboration avec le laborantin. Nous discutons de la procédure que nous voulons suivre, par exemple quand nous avons une molécule qui se dissout difficilement. Qu’allons-nous essayer, qu’est-ce qui pourrait fonctionner ou pas? Le laborantin exécute alors les travaux et nous interprétons conjointement les résultats. Le chimiste et moi faisons partie d’une assez grande équipe de projet. Par exemple, il s’agit ici de produire plus de substance active pour que nous puissions également approvisionner les phases cliniques. Au début, juste quelques milligrammes sont produits – et après, il s’agit de kilogrammes. Avec le chimiste, je m’occupe aussi de la planification et de la stratégie pour le projet afin que nous puissions le faire passer dans de bonnes conditions à la phase clinique.

Discuter dans le laboratoire de préformulation

Peux-tu expliquer pourquoi on a souvent l’impression que les chercheuses et chercheurs sont des combattants solitaires alors qu’ils effectuent leur travail principalement en équipe?

J’imagine que nous percevons les chercheurs dont les idées ont beaucoup changé le monde comme des personnes qui travaillent seules. En outre, nous pensons qu’ils doivent avoir un caractère spécial. En réalité, ces grands chercheurs et chercheuses, eux aussi, ont travaillé au sein d’équipes. La recherche est un travail de groupe, il n’y a aucun doute. Je n’en étais pas non plus vraiment consciente lorsque j’ai commencé à travailler. Ce n’est qu’au cours du projet que j’ai remarqué ce qui suit: le travail des autres est nécessaire à mon travail et les autres sont tributaires de mon travail. On ne peut pas se contenter de dire: «Bon, on va laisser tomber ça». Car, alors, cela ne fonctionnerait pas. Toutes les parties de la tâche sont nécessaires.

Il vaut donc la peine d’étudier les routes de synthèse et d’utiliser moins de solvants ou d’en utiliser qui sont moins nocifs pour l’environnement.

 

À ton avis, où la chimie peut-elle apporter la plus grande contribution pour que le monde de demain soit meilleur?

Je pense que c’est dans le domaine de la protection de l’environnement. À petite échelle, il existe déjà des solutions qui pourront tout à fait remplacer les solutions traditionnelles. Les routes de synthèse sont l’exemple d’une niche dans l’industrie: ici, on utilise beaucoup de solvants organiques, ce qui n’est pas idéal en termes d’environnement. Il vaut donc la peine d’étudier les routes de synthèse et d’utiliser moins de solvants ou d’en utiliser qui sont moins nocifs pour l’environnement.

 

Les Olympiades internationales de chimie auront lieu au mois de juillet 2023 en Suisse. Quels souvenirs cela éveille-t-il en toi?

À 15 ans, j’ai participé aux Olympiades de chimie en Allemagne. Nous devions résoudre les problèmes du premier tour chez nous. Pour le 2e tour, j’ai été autorisée à assister pendant plusieurs jours aux cours de chimie de l’université avec un ami. Je viens de la campagne: j’ai pu humer l’air de la grande ville et de l’université, c’était super. J’ai vraiment pris beaucoup de plaisir à réfléchir à la solution des problèmes.

C’est à Heidelberg que Wiebke Saal a fait ses études de pharmacie. Sa famille l’a encouragée lorsqu’elle a montré de l’intérêt pour les sciences naturelles. Son père est chimiste, sa mère fonctionnaire des finances. Après ses études, Wiebke est partie s’installer en Suisse pour faire un doctorat en philosophie (PhD) à la Haute école spécialisée du Nord-Ouest de la Suisse. Elle travaille depuis 5 ans chez Roche en tant que chercheuse et vit avec sa famille à Liestal. Roche est partenaire de soutien des Olympiades de la science.

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