24.06.2021

Chancengerechtigkeit

Ecrire l'égalité, c'est possible

Les Olympiades de la science recommande l’utilisation du langage inclusif dans toutes les langues nationales. Néanmoins, pour la langue française, de nombreux outils sont à notre disposition : point médian, parenthèse, accord de proximité. Par où commencer ? Pourquoi le langage inclusif est-il une manière d’atteindre plus d’égalité ? Le masculin générique a-t-il toujours été de mise dans la langue française ? Éclairage.
L'alphabète inclusif de Tristan Bartolini

copyright Tristan Bartolini

Le langage inclusif sous le feu des projecteurs

Depuis le début de l’année 2021, le langage inclusif échauffe l’actualité en Suisse romande. En février, la RTS a adopté officiellement le langage épicène à l’antenne. Vous l’aurez peut-être entendu, le «Bonjour à tous» est depuis peu remplacé dans les émissions par un «Bonjour à toutes et à tous». Dans son édito du 8 mars, «Pour une langue qui inclut» le quotidien genevois Le Courrier a annoncé que le langage inclusif sera désormais utilisé pour leurs articles maison : «La langue est ce que nous en faisons. Elle peut exclure, elle peut inclure. Nous choisissons la deuxième option». Trois chercheur·euse·s dont Pascal Gygax, psycholinguiste à l’Université de Fribourg, ont publié en mai 2021, le livre «Le cerveau pense-t-il au masculin?». Un ouvrage 100% evidence based, truffé d’exemples et de données scientifiques issues de la psychologie expérimentale sur les liens entre le langage, la pensée et les constructions sociales liées au genre. 

 

Cependant, cette problématique est loin d’être nouvelle. Le langage est promu au niveau national depuis… les années 1990. En effet, la Confédération avait déjà décidé de passer à l'écriture inclusive en allemand en 1993. En ce qui concerne le français, les premières recommandations de la Chancellerie datent de 2000. En 2007, une loi fédérale stipule que les autorités doivent «tenir compte de la formulation non sexiste» dans leurs communications. 

 

En Suisse romande, la démasculinisation du français serait passée à la trappe. Selon le linguiste Daniel Elmiger, l’application de l’écriture épicène aux langues romanes a toujours été jugée comme trop difficile. Les textes juridiques n’ont donc jamais été contraignants. Pour Pierre Bayenet, député d’Ensemble à gauche, les pratiques de la Chancellerie fédérale se réfèrent encore aujourd’hui aux règles de l’Académie française, un organe qui « a toujours été aux avant-postes de la masculinisation de la langue ». Rappelons qu’en 2017, l'Académie française a affirmé que l'écriture inclusive aboutissait à « une langue désunie, disparate dans son expression, génératrice d'une confusion confinant à l'illisibilité ».

L’échec du masculin générique 

Le masculin générique est l'emploi du masculin avec le but de désigner autant les femmes que les hommes, par exemple lorsque l'on s'adresse aux "voyageurs à destination de Paris", "aux électeurs" ou "aux lecteurs" d'un journal. Il est évident que les femmes sont aussi concernées, mais le terme utilisé est au masculin. C'est ce que l'on nomme le masculin générique (Source) . 

 

 

En français, le masculin « l’emporte sur le féminin » lorsqu’il s’agit des accords. Le masculin générique est utilisé comme neutre dans les locutions « il pleut » ou « il y a ». Cependant, de nombreuses études démontrent que notre cerveau n’aime pas l’ambivalence. Ainsi, lorsque nous lisons une terminologie masculine, telle que « les chirurgiens », notre cerveau active des représentations qui sont spécifiquement… masculines. Une étude de 2007, menée par Markus Brauer et Michaël Landry le prouve. Ils ont interrogé aléatoirement des personnes dans l’espace public en leur demandant de citer leur héros ou leur musicien préféré. Dans la deuxième expérience, leur héros ou leur héroïne préféré·e. Dans le premier cas seulement, 15 à 25% de femmes sont citées, alors que ce ratio est augmenté de 40% lorsque les chercheurs ont utilisé le langage inclusif pour le deuxième panel. 

L’expérience «The Surgeon Riddle » est un autre exemple illustre du problème du masculin générique. «Un père et son fils viennent d’avoir un accident de voiture. Le père est tué sur le coup. Le fils est emmené à l’hôpital et doit être opéré sur le champ. Lorsque le chirurgien s’apprête à débuter l’opération il s’exclame ‘je ne peux pas l’opérer, c’est mon fils !’ » Qui est le chirurgien ? En 2014, Mikaela Wapman et Deborah Belle de l’Université de Boston ont soumis cette question à plus de 300 personnes, et 78% d’entre elles n’ont pas pensé que le chirurgien pouvait être la mère de l’enfant. 

 

Le langage n’est donc pas dissocié de la réalité, il l’impacte. Pascal Gygax, dans son livre « Le cerveau pense-t-il au masculin » cite l’exemple suivant: dans le roman 1984 de Georges Orwell, le régime totalitaire invente la novlangue où le mot «liberté» n’existe pas avec l’idée que si ce mot n’existe pas, le peuple ne pourra pas se représenter le concept de la liberté. « Ce qui n’est pas nommé n’existe pas », acquiesce Thérèse Moreau autrice féministe engagée sur la question du langage inclusif. À tel point, que de nombreuses études montrent aujourd’hui que les femmes postulent moins si une offre d’emploi n’est rédigée qu’au masculin. 

 

Pour le travail des Olympiades de la science, c’est là que réside le véritable enjeu. Le langage joue un rôle sur la féminisation ou la masculinisation de certaines filières. Pour encourager et garantir l’accès à toutes nos offres, nous voulons parler autant d’informaticiennes que d’informaticiens, autant de mathématiciens que de mathématiciennes.

Bourelles, philosophesse et médecines

Impossible de te parler du langage inclusif sans faire une petite rétrospective historique. Au Moyen-Âge, le français disposait du vocabulaire et de la grammaire pour exprimer équitablement le féminin et le masculin. «Rabelais parlait des médecines, des philosophesses, des jugesses. Même le bourreau avait son équivalent, la bourrelle!». Ainsi au XVème siècle, le masculin générique n’est pas encore employé, on utilise «ça pleut» et non « il pleut ». « L’Homme », n’était pas une expression utilisée pour désigner l’humanité tout entière, on lui préférait tout simplement « les humains ». En grammaire, l’accord de proximité est ce qui est préféré, c’est-à-dire l’accord avec le nom le plus proche. Il était donc parfaitement correct de dire « ces hommes et ces femmes sont belles ». 

 

« C’est à partir du XVIIème siècle qu'ont lieu les premières attaques contre la légitimité du féminin », explique Eliane Viennot, professeuse et autrice de «Non le masculin ne l’emporte pas sur le féminin». Ces attaques vont de pair avec l’institution de l’Académie française en 1635, dont l’un des disciples proclamera : « Parce que le genre masculin est le plus noble, il prévaut seul contre deux ou plusieurs féminins, quoiqu'ils soient plus proches de leur adjectif.» Pourquoi «plus noble» ? « À cause de la supériorité du mâle sur la femelle ».

 

Être une femme libérée au Moyen Âge – Actuel Moyen Âge

Source

 

Le français se masculinise et le fond du débat est profondément politisé : le but est d’écarter les femmes du pouvoir et de l’espace public. Eliane Viennot est spécialiste du concept historiographique « la querelle des femmes », qui désigne tous les débats qui ont eu lieu à travers les siècles sur la question du pouvoir féminin. Au XVIIème de nombreuses discussions ont lieu dans la bourgeoisie intellectuelle sur l’incapacité des femmes à gouverner. Par exemple, une série de pamphlets sont écrits à l’encontre de Catherine de Médicis : les auteurs pointent son rôle dans le massacre de la St. Barthélémy. Et expliquent comment un gouvernement féminin provoque forcément la ruine d’une Nation. La masculinisation du langage s’inscrit donc aussi d’une certaine manière dans la « querelle des femmes » et va de pair avec la masculinisation de la société. 

Vers un langage neutre ?

Selon le guide du projet BreakFree! Du CSAJ, l'organisation faîtière suisse des organisations de jeunesse, au moins 15% des jeunes de moins de 20 ans s’identifient comme appartenant à la communauté LGBTQ. Parmi ces 15%, nombreuses sont celles qui subissent des discriminations et se sentent exclues. En ce sens, l’écriture inclusive ne résout pas le problème de la bicatégorisation des sexes féminin et masculin. Car elle vise avant tout à visibiliser le genre féminin et non pas à dégenrer le langage.

Plusieurs acteur·rice·s et linguistes plaident actuellement pour une grammaire non-binaire, afin que les personnes LGBTQ soient représentées. Par exemple, à l’orale, comme à l’écrit on rencontre de plus en plus régulièrement le pronom neutre « iel », contraction de « il » et de « elle ». L’introduction de formes neutres se retrouve dans d’autres langues, comme en suédois. Depuis 2015, un nouveau pronom «hen» a été introduit officiellement dans le dictionnaire de l’Académie pour désigner un individu sans mentionner son identité de genre. 

 

En français, le « x » est également utilisé pour marquer une rupture avec la binarité de la langue. Tu as peut-être déjà vu les formes suivantes : les étudiant·e·x·s ou les professeur·e·x·s. Son utilisation est d’ailleurs recommandée ou mentionnée dans certains guides de rédaction universitaires suisses comme celui de l’Université de Genève

 

Oui, les initiatives en la matière se multiplient. En 2020, Tristan Bartolini a reçu le prix Art et Humanité de la Croix-Rouge pour avoir dessiné un alphabet non-binaire. Le jeune genevois a conceptualisé des signes graphiques qui mêlent les terminaisons masculine et féminine. Selon lui, le masculin et le féminin représentent les deux extrêmes du spectre du genre qui comporte une infinitude d’identités possibles. 

 

« Offrir une visibilité à la diversité des sexes et des genres et briser les stéréotypes sexistes est une chance. Cela conduit à davantage de diversité pour tous les êtres humains. Ainsi, nos propres conceptions et histoires s’ouvrent à cette diversité nouvelle», ces mots qui figurent dans la brochure BreakFree! nous tiennent particulièrement à cœur. Aux Olympiades de la science, tous les jeunes doivent pouvoir être inclus peu importe leur identité de genre ou leur orientation sexuelle. Nous souhaitons interroger nos pratiques et adopter une attitude ouverte et réfléchie concernant les personnes LGBTQ. A travers notre démarche de langage inclusif, nous souhaitons, certes, visibiliser les femmes, mais aussi inclure les jeunes non-binaires. Si nous devons retenir une chose de cet article, c’est que la langue est dynamique, elle évolue au rythme de la société. Notre guide de rédaction n’est donc pas figé, nous voulons absolument rester ouvert·e·s aux futures évolutions linguistiques, à l’introduction du « x » et à la neutralisation des pronoms lorsque leurs utilisations se seront harmonisées. Ceci, afin qu’aucun jeune ne sente exclu·e. 

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