S’engager: Martina Hirayama, secrétaire d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation
Elle connaît une quantité de jeunes talents: des apprenant-es, qui acquièrent leur métier avec enthousiasme, aux gymnastes et étudiant-es engagé-es. Martina Hirayama travaille à la Confédération et veille à ce que les conditions-cadre soient favorables à l’encouragement des jeunes.
Photos et video: Claudia Christen
Madame Hirayama: comment se présente un jour de travail typique d’une secrétaire d’Etat?
Chaque jour est différent. Aujourd’hui, par exemple, je vais terminer ma journée en préparant un dossier pour le Conseil fédéral. Et demain, j’ai un échange avec la ministre de la recherche du Royaume-Uni. Comme vous pouvez le voir, mes tâches sont variées, ça rend mon travail passionnant.
Pourquoi la Confédération s’occupe-t-elle de la promotion des jeunes intéressé-es par la science et doué-es dans ce domaine?
La formation, la recherche et l’innovation sont des domaines vivants: la relève est essentielle. Les jeunes gens marqueront et façonneront notre pays de demain grâce à leurs connaissances, qui sont et doivent être très variées. Il n’est donc jamais trop tôt pour encourager l’intérêt et les talents dans toutes les branches et à tous les niveaux. Par ailleurs, nous manquons de spécialistes dans de nombreux domaines et nous avons un besoin urgent d’une relève talentueuse. Comme nous avons un très bon réseau international, nous pouvons aller chercher ces talents à l’étranger. Mais encourager les talents à l’interne est tout aussi important. C’est pourquoi la Confédération soutient les initiatives encourageant très tôt l’intérêt pour la recherche.
«Les jeunes veulent changer les choses, ont beaucoup à partager et le font durant leur temps libre.»
La promotion des talents est un thème dans la politique de formation, mais aussi dans les gymnases. Certains prétendent qu’il n’est pas nécessaire d’y encourager les talents car les gymnases encouragent déjà la formation d’une élite. Qu’en pensez-vous?
Cet argument ne correspond pas à la réalité. Premièrement, je pense que les talents, ou la soi-disant «élite», ne se trouvent pas que dans les gymnases. Nous avons de très nombreux jeunes talents – près de deux tiers – qui choisissent la voie de la formation professionnelle. La conclusion inverse selon laquelle tous les jeunes qui vont au gymnase sont super talentueux-ses et font partie de l’élite n’est pas correcte non plus et n’est pas compatible avec notre système.
Notre système de formation est notamment prospère parce qu’il permet aux jeunes de choisir diverses voies, en fonction de leurs intérêts et de leurs talents. Ces voies sont équivalentes, mais différentes. Il est important pour moi de le souligner. La perméabilité de notre système est un autre facteur de succès fondamental. A 15 ans, on ne doit pas choisir une voie sur laquelle on doit rester toute sa vie. La maturité professionnelle permet de passer de la formation professionnelle à une haute école. Ou alors on peut commencer un apprentissage après la maturité gymnasiale.
Scientifique, cheffe d’entreprise et à présent secrétaire d’Etat: dans cette vidéo, Martina Hirayama donne un conseil aux jeunes talents pour leur parcours professionnel.
Votre propre expérience montre qu’en tant que scientifique, on peut aussi devenir cheffe d’entreprise ou secrétaire d’Etat. Votre cursus scientifique vous sert-il dans votre travail de secrétaire d’Etat?
Oui, mon parcours professionnel est important pour mon travail au Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation. Je ne serais pas préparée pour diriger d’autres secrétariats d’Etat. J’ai étudié et fait de la recherche à l’EPF, fondé une startup et développé mes connaissances en matière de formation professionnelle parallèlement à la recherche appliquée à la haute école spécialisée.Je me suis occupée de la promotion de l’innovation chez Innosuisse et des questions de recherche fondamentale au FNS. Je connais très bien le système FRI avec ses forces et ses enjeux, et je comprends les besoins des différent-es acteur-rices. Grâce à cette expérience, j’ai aussi plus de faciliter à évaluer ce qui est important maintenant et ce qui n’est qu’une bonne chose à avoir.
Parlons de deux talents issus des Olympiades de la Science: Nitya Rajan, gymnasienne, gagnante des olympiades de philosophie et co-présidente d’une association pour le développement durable. Et Joel Lüthi, étudiant en biologie, encouragé par la Fondation d’études et qui s’engage avec Reatch pour assurer la bonne qualité de la communication scientifique. En quoi ces deux exemples sont-ils, à votre avis, représentatifs des talents d’aujourd’hui?
Nitya et Joel s’engagent pour des thèmes hautement actuels. Le changement climatique va nous occuper encore de nombreuses années. Je trouve passionnant de voir comment quelques personnes engagées peuvent influencer certains thèmes, comme Greta Thunberg par exemple. La communication scientifique est aussi un thème important. Les chercheur-ses ont souvent des idées excellentes et développent des choses passionnantes. Mais l’expliquer ensuite au grand public de façon compréhensible est un talent d’un tout autre genre. La crise du Corona nous montre entre autres qu’il y a un potentiel d’amélioration dans la communication entre la science et la politique.
Nitya et Joel montrent aussi que des jeunes gens s’engagent activement pour notre société. Ces jeunes veulent changer les choses, ont beaucoup à partager et le font durant leur temps libre. Je trouve qu’il est important pour toute société qu’elle puisse compter sur des gens de tout âge, pas seulement des jeunes, qui s’engagent pour une cause. Je pense aussi qu’un engagement dans une activité bénévole est particulièrement fort.
«La formation professionnelle et la maturité gymnasiale ont la même valeur. Elles sont différentes, mais équivalentes. C’est important pour moi de le souligner.»
La Confédération peut-elle encore mieux soutenir des initiatives comme celles de Nitya et de Joel?
La Confédération veut créer des conditions-cadre qui permettent de s’engager et de s’investir en conséquence. En Suisse, la culture ascendante (buttom-up) est très répandue, aussi dans la promotion de la formation, de la recherche et de l’innovation. Contrairement à de nombreux autres pays, où le mouvement vient très souvent d’en haut. Pour la Confédération, il est important que l’on soutienne certaines initiatives, également les activités venant d’en bas, afin d’obtenir une diversité aussi grande que possible. Cela ne serait probablement pas aussi efficace si la Confédération n’encourageait que des initiatives isolées très spécifiques.
Dans la convention de prestations, la Confédération nous encourage à développer des initiatives numériques, durables et garantissant l’égalité des chances. En quoi trouvez-vous que la numérisation est importante?
La numérisation est un enjeu et une chance à la fois. Je pense qu’elle offre de nombreuses opportunités pour l’avenir si on l’utilise de la bonne manière. Depuis le début de la crise du Corona, nous avons fait un saut numérique énorme. Nous avons pratiquement dû modifier nos formes d’enseignement et d’apprentissage en une nuit. Je trouve qu’il est important que les choses positives que nous avons apprises durant cette période puissent être poursuivies. La numérisation n’est pas toute simple. On doit se demander par exemple comment concevoir les contenus pour une utilisation numérique. Je crois que la plus grosse erreur qu’on puisse faire est de transférer le contenu analogique tel quel dans le monde numérique.
«Nous devons admettre que la compréhension mutuelle exige un échange direct et informel. Cela s’applique également à l’échange international.»
Venons-en au développement durable: la Confédération nous incite à agir de manière durable, alors que les Olympiades de la Science vivent de l’échange international et de voyages intenses en CO₂. Y voyez-vous une contradiction?
Lorsque l’on se réfère au développement durable uniquement sous l’aspect écologique, il y a certainement une contradiction. Je suis convaincue que la crise du Corona a changé quelque chose dans ce domaine. On a appris qu’il restait important de se réunir, mais que l’on pouvait aussi faire beaucoup de choses autrement. Nous allons certainement être amené-es à réfléchir plus précisément à la manière de se réunir autour d’une table et de discuter. Je crois que cela va également avoir des effets sur les déplacements au SEFRI. Nous remarquons que l’échange d’informations fonctionne très bien sur Skype, Teams, etc. Mais lorsque nous voulons développer des idées, être créatif-ves ou trouver des solutions à des problèmes critiques, il est important de se voir, de s’échanger et de discuter intensivement. Je crois que tout cela fonctionnera autrement à l’avenir.
Quant à l’échange international, nous devons admettre que pour assurer une compréhension mutuelle, l’échange direct et informel est très important. Prenons par exemple la recherche polaire, qui est extrêmement importante dans le contexte du changement climatique. Si les chercheur-ses polaires du Japon, des Etats-Unis et d’Europe se réunissaient pour discuter des enjeux et développer des solutions, cela pourrait être très utile. Même si, en voyageant, on ne ferait rien de bon pour le climat.
Soutien de la promotion des talents par la Confédération: dans le cadre du Messagesur la formation, la recherche et l’innovation 2021-2024, la Confédération soutient la promotion internationale des talents dans la science et la technique. Les Olympiades de la Science, Science et jeunesse et la Fondation suisse d’études bénéficient notamment de ce soutien. La contribution allouée aux Olympiades de la Science se monte à CHF 400'000 par an.